Les films chrétiens : Article de la revue "Famille chrétienne" du 19 août 2016
Ils débarquent désormais en cadence sur grand écran. Cristeros en 2012, L’Apôtre en 2014, La Résurrection du Christ en 2016. Ils se bousculent, même : un film sur le pape François le 28 septembre prochain, suivi en automne d’un remake de Léon Morin, prêtre, réalisé par Nicolas Boukhrief et intitulé La Confession, puis bientôt la suite de La Passion du Christ de Mel Gibson. Les films d’inspiration chrétienne seraient-ils à nouveau en odeur de sainteté ?
Brève rétrospective. Jusque dans les années 1960, le christianisme a constitué pour les cinéastes une large source d’inspiration, presque un passage obligé. Dès 1897, Auguste et Louis Lumière tournaient, en version muette, La Passion (en accès libre sur YouTube). Quo vadis a fait l’objet d’une dizaine d’adaptations cinématographiques, Les Derniers Jours de Pompéi, de huit. Puis se sont succédé les incontournables péplums américains : La Tunique (1953), Les Dix Commandements de Cecil B. De Mille (1956), Ben Hur (1959), pour ne citer que les plus emblématiques. Signalons également L’Évangile selon saint Matthieu (1964) du réalisateur italien Pier Paolo Pasolini, pourtant communiste et athée. La France n’est pas en reste avec des réalisateurs tels que Robert Bresson, Julien Duvivier, Maurice Cloche ou encore Jean Delannoy.
La critique préfère les drames
Puis les sujets religieux se sont raréfiés, avant de refleurir épisodiquement mais timidement à partir des années 1980. Mission en 1984, Thérèse d’Alain Cavalier en 1986, Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat et Bernadette de Jean Delannoy en 1987, en 2004, Des hommes et des dieux en 2010, qui a même remporté le Grand Prix du festival de Cannes.
Pourquoi si peu ? Le recul de la pratique religieuse certainement. Mais pas seulement. « Les critiques français soutiennent plus volontiers les drames que les films positifs, note Alexandre Bihn, directeur marketing de la société de production et de distribution Sony Pictures France. Ce que démontre d’ailleurs le succès remporté par Des hommes et des dieux. » Fort de ce constat, il a par exemple jugé inutile de distribuer en France Miracles from Heaven racontant la guérison miraculeuse d’une petite fille. Le film a pourtant été classé dans le top 5 du box-office américain la première semaine de sa sortie, tout comme God’s not Dead 2, qu’aucun distributeur n’a choisi de diffuser en France, malgré le succès commercial du premier volet (60 millions de dollars de recettes pour un budget de 2 millions).
Car les Américains, eux, n’hésitent pas à produire des films « faith based » (d’inspiration chrétienne) dont le succès, outre-Atlantique, rivalise parfois avec les blockbusters. À tel point que Pure Flix, une entreprise de vidéo à la demande du même type que Netflix, ne propose que des films chrétiens. Et elle n’est pas la seule à se spécialiser dans ce domaine. « Aux États-Unis, le studio Sony Pictures a un label de films chrétiens, Affirm Films, qui produit en moyenne trois films par an et marche très fort, explique Alexandre Bihn. Ils se concentrent sur les valeurs à transmettre plus que sur les effets spéciaux et ne font pas appel à des acteurs hors de prix, ils ne sont donc pas chers à produire ». La célèbre 20th Century Fox a lancé pour sa part une filiale : Fox Faith.
Malheureusement, ces films traversent difficilement l’Atlantique. À quelques rares exceptions près : comme Mission ou La Passion du Christ, puis le film mexicain Cristeros en 2012, lequel a d’ailleurs commencé par circuler en clef USB sous le manteau. « Contrairement à une rumeur persistante de boycott, Cristeros a tardé à débarquer en France faute de distributeur », explique Hubert de Torcy, directeur de Saje Production.
Car distribuer un film est un risque qui coûte cher. Il faut acheter les droits, le doubler ou le sous-titrer, en assurer la promotion, puis convaincre les directeurs de salles de le projeter. Ce qu’ils n’acceptent que s’ils sont persuadés que le public sera au rendez-vous. « C’est un investissement à l’aveugle, poursuit Hubert de Torcy. En France, une quinzaine de films sort chaque semaine : la concurrence est rude. Et on ignore souvent jusqu’au lundi si la salle le sortira le mercredi suivant ! » Si le public ne se déplace pas la première semaine, le film est retiré. Seules 5 % des distributions environ réussissent à équilibrer leur budget.
Un moyen d’évangélisation populaire
Mais ce catholique convaincu reste persuadé qu’un public français existe pour ce type de films et que le cinéma constitue un moyen d’évangélisation idéal pour toucher le grand public, celui qui ne met jamais les pieds dans les églises. « Selon Ralph Winter, le producteur d’X-Men, 90 % des gens ont oublié le sermon dix minutes après la messe alors qu’on se souvient d’un film qu’on a vu , justifie-t-il. Or, ces derniers temps, l’Église a déserté l’évangélisation populaire. Le dernier qui a fait quelque chose en la matière, c’est Mgr Di Falco avec le groupe musical Les Prêtres. Il a touché des gens à qui nous, catholiques, ne parlons plus. »
Hubert de Torcy repère donc les films chrétiens qui sortent à l’étranger, principalement aux États-Unis. Mais tous ne sont pas taillés pour l’importation. « Le critère principal est leur dimension universelle, souligne Alexandre Bhin. Par exemple, si tout se passe dans une église dont l’architecture et la sensibilité religieuse n’évoquent rien en France, on ne le distribuera pas. Il faut que le spectateur retrouve une ambiance un peu familière ou quelques repères. » C’est ce qui explique le succès remporté par La Résurrection, sorti en juin dernier. Saje et Sony, qui se sont associés pour le distribuer, ont misé sur son côté péplum. Banco : le film a fait plus de 100 000 entrées.
Avant La Résurrection, Hubert de Torcy a démarré avec le film Cristeros, repéré sur AlloCiné et pour le lancement duquel il s’est notamment appuyé sur les réseaux sociaux. Qui n’a pas cliqué sur « Je veux voir Cristeros près de chez moi » ? Un excellent moyen de pression sur les salles de cinéma ! « Un directeur de salle qui a l’assurance d’avoir une clientèle ne peut qu’accepter de diffuser le film" , assure le patron de Saje. C’est ce qui a convaincu Nicolas Clautour, coordinateur cinéma au Lucernaire, à Paris, de mettre à l’affiche Le 13e jour, récit des apparitions de Fatima. « Ce film m’a clairement démontré qu’il existait un public catho dans mon quartier, déclare-t-il. Cette dimension spirituelle répond en outre à un public de plus en plus demandeur de sens. Je n’hésiterai pas à en programmer d’autres. »
Une invitation à mobiliser les spectateurs catholiques, qui peuvent aussi s’inscrire sur le site de Saje Diffusion pour figurer sur le fichier des cinéphiles potentiellement intéressés par la sortie d’un film chrétien près de chez eux.Pour toucher un public plus large encore, Hubert de Torcy tente également d’importer une méthode de marketing « made in USA » qui s’appuie sur le clergé. Là-bas, le lancement d’un film chrétien repose sur un leader d’opinion religieux, prêtre ou pasteur, qui créé le buzz autour du film dans sa communauté, au point que la paroisse entière se déplace pour aller au cinéma. Le retour des films chrétiens n’est donc pas seulement l’affaire des cinéastes…
Elisabeth Callemer
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